Voilà un articel trés sympa
«Je regarde ma médaille, un rêve d'enfant scintille sous mes yeux»
TENNIS. Vainqueur du double au côté de Stanislas Wawrinka, Roger Federer raconte sa semaine. Laquelle s'est achevée, selon lui, par un titre dont il avait fait une priorité obsessionnelle.
«Quand j'ai choisi Stanislas Wawrinka pour disputer le double, j'ai pris une décision difficile. J'ai dû écarter un vieil ami et lui infliger une grande déception (Yves Allegro, son partenaire habituel, spécialiste de l'exercice). Avec Stan, le danger était que nous soyons éliminés d'entrée, faute d'automatismes. Mais tout le monde sait que, avec quelques repères, un bon joueur de simple restera toujours plus fort qu'un spécialiste du double.
J'avais planifié toute mon année autour des Jeux olympiques. C'était ma priorité, mon idée fixe. Hélas, la maladie a frappé au mauvais moment. Après ma défaite en simple, je n'avais pas besoin de commisération ou d'antidépresseurs, juste de recevoir une tape dans le dos et d'entendre: «Ressaisis-toi, ce n'est pas la fin du monde.» J'ai trouvé ce réconfort auprès de Stan. Nous avons enchaîné avec un double où, pour la première fois, notre entente sur le court fut très intense. La pluie nous a interrompus à 1h30 du matin. Ça peut sembler étrange mais, déjà, je ne pensais plus à mon élimination en simple. J'étais confiant en nos chances de remporter une médaille. Nous sommes rentrés et j'ai bien dormi.
Tout au long du tournoi, Stan et moi n'avons cessé de rire et de nous embrasser. Avant la demi-finale, des athlètes suisses ont attendu avec nous dans un petit salon et, apparemment, notre décontraction les a surpris. Eux préparent ces Jeux depuis trois ans et demi. Toutes leurs pensées convergent vers un seul rendez-vous. En tennis, nous avons l'habitude des grands événements. Nous avons des séances de rattrapage.
Je vis ici l'un des temps forts de ma carrière. J'ai remporté quantité de belles victoires, y compris en juniors et en Coupe Davis, mais les Jeux gardent une place à part. J'accorde autant de valeur à cette médaille qu'à mes douze titres du Grand Chelem. Quand Marc Rosset est devenu champion olympique à Barcelone, j'avais 11 ans et j'en ai gardé un souvenir distinct. C'était quelque chose de marquant. A notre tour, nous apportons de la joie au pays. Ce coup de fil à Stan vaut de l'or...
Bien sûr, un titre en simple aurait eu davantage d'impact sur mon CV. Mais il n'aurait pas généré autant d'émotions, j'en suis certain (Roger Federer a péniblement réprimé ses larmes dès les premières notes de l'hymne national). Aujourd'hui, j'ai la chance de partager un rêve avec une personne que j'aime bien. Cette médaille a une grande valeur sentimentale. Voyez Michael Phelps: il n'a jamais autant exprimé sa joie qu'après ses victoires en relais. Maintenant, certains voudraient que je sois toujours aussi expressif, même quand je joue seul. De grâce, ne soyons pas stupides: si, demain, je tends mes bras vers le public pour lui prendre son électricité, comme nous l'avons fait avec Stan, j'aurai l'air d'un illuminé (éclat de rire).
Manifestement, nos chances de remporter la Coupe Davis sont désormais plus grandes que jamais, comme à l'apogée du duo Rosset/Hlasek. Je n'ai pas encore établi de planification pour 2009 mais, selon toute vraisemblance, je serai présent dès le premier tour. Nous avons une opportunité à saisir.
Je ne pense pas à la perte de mon statut de numéro un mondial (aujourd'hui). Je le répète depuis longtemps, Rafa mérite d'occuper cette place. Là, je regarde ma médaille et je suis heureux. Un rêve d'enfant scintille sous mes yeux. J'ai le cœur en fête et, bientôt, le reste suivra... Ce soir, nous n'avons pas besoin d'un lit, juste d'une chaise, d'un coup à boire et d'une bonne ambiance. Je ne sais pas ce que nous ferons. Cette fois, c'est le «junior» (son regard désigne Stanislas Wawrinka) qui décidera.»